Quantcast
Channel: Ahah... Le Jardin de Marandon » Juste-jardin
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Le juste jardin : le livre sur le Jardin de l’ENS/LSH de Lyon : 2° partie

$
0
0

 

  • Le Jardinier dans le Juste Jardin.

 

Dans la préface de l'ouvrage, Gilles Clément signale que le jardin de l’ENS de Lyon a trouvé un jardinier.

Michel Salmeron équipé de gants avec des manches pour tailler les Berces du Caucase

Ni un décorateur, ni un technicien de surface engagé pour faire propre, mais un jardinier, un vrai celui qui agit avec passion, celui qui agit avec raison et qui sait transmettre aux autres. À l'époque où Gilles Clément dessine ce jardin il n'imaginait pas que ce lieu deviendrait un lieu d'exemplarité écologique, une référence pour sa théorie du Jardin en mouvement, du jardin planétaire. Lors de ses conférences au Collège de France cet hiver il a rendu plusieurs fois hommage à Michel Salmeron pour son remarquable travail. Après des années de découverte, parfois d’incompréhension de la part des professeurs ou des étudiants, la qualité du travail accompli, la maitrise des lieux et la cohérence de l’équipe ainsi formée est reconnue.

Mais qu’adviendra t-il quand le jardinier prendra sa retraite l’an prochain ? L’administration par souci d’économie va t-elle sous traiter l’entretien du jardin à une société qui arrivera avec ses désherbants, ses machines bruyantes et peu de discernement face à ces mauvaises herbes et à ces « invasives ».

 

Les moutons de la race Soay venus du centre de biogéographie de Cessières ont rejoint l'école en 2005. Ils économisent 1600 € d'évacuation de l'herbe fauchée. Depuis ce sont21 moutons qui sont nés dans le jardin et qui ont été donnés à d'autres organismes.

Qui s’occupera des moutons qui évitent des transports coûteux à la déchetterie, qui entretiendra la ruche, se préoccupera des abris pour le hérisson ou de l’entretien de la mare pour les libellules. Avec la disparition des jardins familiaux dans le quartier de Gerland, le Jardin de l’ENS est devenu un refuge mais pour combien de temps encore ? Michel Salmeron est inquiet, mais je le rassure, ce jardin fera date et fait désormais partie du patrimoine paysager français et la parution du Juste jardin ne fait que renforcer sa position.

  • Les enthousiastes : le verdict de la justesse. Mon témoignage.

« La première fois que j'ai découvert le jardin de l'ENS Lettres et Sciences Humaines, ce fut un choc pour moi.

Présent pour assister à des oraux, je m'échappais quelques instants dans le jardin à la recherche de détente. Je vis un  immense espace qui m'attirait derrière les vitres du hall principal et je franchis la porte.

Nous étions en juillet 2007. Le jardin était à son apogée, les graminées flottaient dans le vent et la haie de charmilles  m'invitait à suivre les allées. Ne sachant où je mettais les pieds, je fus surpris par une ligne de bambous rouges m'incitant à suivre un itinéraire au hasard de mes pas.

La balade m'emmena vers une grande prairie dégagée occupée par des brebis ce qui m'a surpris dans ce contexte urbain. Mais c'est dans la partie la plus éloignée  que le jardin m'envoûta, les inflorescences des grandes berces du Caucase me rappelèrent les écrits de Gilles Clément.  Un peu comme une signature du Jardin en Mouvement, je n'avais pas eu l'occasion de les rencontrer dans les jardins publics, mais la hauteur des tiges, L'architecture magnifique de cette ombellifère majestueuse ne laissait aucun doute sur leur origine.

 Puis je fus intrigué par la forme des catalpas avec à leur pied des topiaires. La vue des allées tracées dans la prairie au milieu du vaste espace central finit par me convaincre de la signature du maître. J'étais bien dans un jardin créé par Gilles Clément.

 

Gilles Clément présentant le jardin de l'ENS de Lyon à l'2cole d'architecture de Saint-Etienne.

L'ayant rencontré à plusieurs reprises, je connais tous ses écrits et j'ai déjà visité nombre de ses réalisations (du parc André Citroën à Paris au parc Henri Matisse à Euralille, en passant par le jardin du quai Branly). Étant moi-même jardinier amateur, je me suis inspiré d'un livre sur la Vallée et le jardin naturel pour réaliser, non loin de Lyon le jardin de Marandon.

L'inflorescence de la Grande Berce du Caucase en Juillet

J'ai retrouvé ici tout ce que j'aime et me fascine chez ce créateur talentueux. Depuis, je réserve toujours du temps pour contempler ce parc et rencontrer ses jardiniers qui l'entretiennent avec talent et passion ». François Arnal

Extrait de la page 214

le fauchage sélectif de la pelouse afin de laisser des ilots de graminées plus élevés.

Ainsi va le juste jardin.

« Le jardin de l’ENS de Lyon n'est pas seulement un espace composé où s'expriment les formes, les couleurs, les textures et les perspectives, c'est un lieu de vie où la diversité protégée et multiple engage l'esprit et le corps de ceux qui s'en occupent et de ceux qui en ont  l'usage. Il s'agit à la fois d'équilibre et de futurs.  »

Gilles Clément : La Vallée, le 23 avril 2011.

L'absence de pesticide permet à l'entomofaune de se développer.

« Jean-Jacques Rousseau », c’est le nom que nous aimerions donner au jardin de l’Ecole Normale Supérieure de Lettres, situé au cœur du site « René Descartes » jouxtant la grande bibliothèque « Denis Diderot ». L’auteur du Botaniste sans maître, si contesté soit-il, illustre bien les idées de mouvement et de liberté, chères à Gilles Clément.

« En toutes circonstances, la justesse efface et supplante les errements de l'esthétique. Injuste jardin répond aux conditions du milieu et de la société qui l'habite. Ce genre de jardin peut faire l'économie d'aménagement de séduction. Le beau survient plus fréquemment de la justesse que de la joliesse des traits ». Gilles Clément

Dans le Juste Jardin, le spectacle est aussi vivant, il faut savoir regarder et s'arrêter.

« Juste jardin », les deux termes sont rarement accolés. C’est pourtant le titre choisi par les auteurs du livre qui lui est consacré, Michel Salmeron, Paul Arnould, David Gauthier, Yves-François Le Lay, Emilie-Anne Pepy, Hervé Parmentier et Patrick Gilbert. Les multiples connotations de justesse, justice, injustice, ajustement, justification… sont des clés de lectures essentielles de ce jardin tout à la fois visible pour quelques passionnés et invisible pour ceux qui le traversent, au quotidien, sans le regarder.

L’évolution du jardin en une décennie :

 

Dans la partie centrale sur le chemin d'accès au restaurant.

Le jardin a évolué par rapport au projet initial ainsi l’enclos aux moutons ou la bergerie dans la partie méridionale ont été rajoutés au programme, de même une mare accueillant les amphibiens et des libellules a été creusée. La serre, la pépinière et les composteurs occupant la partie septentrionale ont récemment déménagé pour rejoindre la partie méridionale du jardin au sud de l'Institut Français de l'Education. À ce propos Michel Salmeron est un peu inquiet car le jardin se réduit d'année en année par l'adjonction de nouveaux bâtiments et la principale menace qui pèse sur ce jardin et l'extension urbaine la construction de nouvelles extensions pour l'école ou pour l'université. En effet le terrain est constructible et le jardin a été conçu comme un espace laissé vacant qui pouvait se remplir au fur et à mesure et au fil du temps. La pression foncière dans le quartier de Gerland et dans les lieux universitaires est très forte.

 

Le jardin est cerné par les grues, signe de la pression urbaine dans le quartier. (Juillet 2012)

« Dans un espace en mouvement, les énergies en présence - croissances, luttes, déplacements, échanges - ne rencontrent pas les obstacles ordinairement dressés pour contraindre la nature à la géométrie, à la propreté ou à toute autre principe culturel privilégiant l’aspect ».

Gilles Clément

 

Le Jardin des Formes où dominent le catalpa taillé chaque année et les grandes berces.

 

  • Les grandes unités qui structurent l’espace :

 

- Le Boulingrin : c'est la partie centrale du parc il s'agit d'un long ruban de gazon tracé dans l'axe Nord-Sud en référence au couloir rhodanien et au mistral, tondu ras pour permettre aux étudiants de s'ébattre en toute saison, de jouer au football ou  au volley-ball. On peut y rencontrer au petit matin le hérisson ou le lapin qui traversent la prairie. Régulièrement des garden-parties sont organisés et cet espace ouvert est aussi dédié à la musique ou au théâtre. De nombreuses manifestations culturelles se déroulent dans cette scène naturelle.

 

Le long du boulingrin, des espaces sont préservés par une haie de ganivelles, la diversité s'y déploit.

-       La prairie : La prairie est implantée de part et d'autre du Boulingrin et est délimitée par des petits murets. Fauchée deux fois par an par étapes successives pour ne pas priver ses hôtes de la nourriture ou de l'abri qu'elle procure son aspect n’est pas régulier. Composé essentiellement de luzerne ou  de graminées, cette herbe fauchée sera mise en bottes, stockée et servira de nourriture pour les moutons hôtes du jardin. Quelques sentiers éphémères sont tracés par les jardiniers au gré de leur envie pour aller visiter quelque implantation différente chaque année  ou pour contourner une molène ou une autre plante digne d'intérêt.

Dans le Jardin en mouvement le premier geste du jardinier est l’observation  « regarder pourrait bien être la plus juste façon de jardiner " Gilles Clément.

Repos et lecture solitaire à l'ombre des arbres.

 

- Dans le jardin du temps, les saisons se succèdent en fonction des signes phénologiques depuis le perce-neige jusqu'au colchique, des primevères aux asters ou aux hellébores. Les insectes et les oiseaux trouvent ici leur nourriture tout au long de l'année. Des végétaux se sont invités apportés par les oiseaux ou par le vent, les graines ont germé naturellement, comme un noyer issu de fruits cachés ou encore des chênes ou des molènes. La seule question que se pose le jardinier en ces lieux : dois je conserver et laisser faire ou supprimer pour garder une cohésion à l’ensemble ? Car la différence entre la friche et le Jardin en Mouvement c’est que dans ce dernier, le jardinier garde la main et la sécateur  à la ceinture.

 

- Le jardin de la communication a été fortement réduit par la construction du bâtiment de l'Institut National de la Recherche Pédagogique appelée aujourd'hui IFE (Institut Français de l'Education). Ce jardin est un peu à l'écart de la circulation il est un peu plus secret ce qui lui permet d'abriter une ruche ou encore des berces, de nombreuses grandes berces du Caucase jugées indésirables et nuisibles dans de nombreux jardins publics. C'est dans cette partie méridionale que les expériences des jardiniers sont les plus nombreuses. En 2011  un essaim d'abeilles se pose sur le grillage de l'enclos et Michel Salmeron récupère délicatement les ouvrières et la reine. Depuis il est devenu apiculteur et les abeilles contribuent à la pollinisation naturelle. Non loin de là, un hôtel à insectes abrite grâce à ses sections de branches d'arbres morts, à de la  paille ou des tiges creusées de nombreux des insectes, des lézards ou autres créatures vivantes qui contribuent à la biodiversité de l'ensemble. Sous un arbre caché dans les buissons des palettes de bois, des fagots de branche, des restes de paille servent d'abri aux petits mammifères c'est le refuge du hérisson ou encore des rongeurs. De nombreux nichoirs à oiseaux sont également implantés sur les arbres.

 

Diversité savamment orchestrée dans le jardin de l'administration.

- Le jardin de l'administration est beaucoup plus strict, sous les fenêtres des bâtiments administratifs ont été disposés dans des rangées géométriques rigoureusement taillées, des végétaux classés selon leur couleur formant ainsi des parcelles de jardin jaune, rouge, bleu, blanc ou noir. Mais dans le concept du jardin en mouvement Michel Salmeron a du mal à contrôler ces couleurs et au fil du temps les essences se mélangent tout en essayant de maintenir une unité chromatique. Les haies de charmilles soigneusement taillées ne parviennent pas à a constituer des murs étanches pour les végétaux qui franchissent allègrement ces limites artificielles. Dans cette partie ci du jardin, derrière l'apparente rigueur géométrique du tracé orthogonal se glisse la fantaisie du jardinier, les hasards de la nature et du mouvement. De nouvelles graines apparaissent, de nouvelles plantes se développent, d'autres disparaissent au gré des saisons. Le jardinier se doit d'accompagner la dynamique naturelle et même en montrer la force et la détermination. Ce sont les principes du jardin en mouvement : ne jamais aller contre et suivre la logique dynamique des plantes.

 

  • « L'art de visiter un jardin »

 

Louisa Jones, paysagiste d'origine britannique habitant désormais le Languedoc signale dans son ouvrage « L'art de visiter un jardin » : « seule la véritable spontanéité biologique est source d'étonnement, garantie du futur. Le plaisir est là, pas dans l'aspect, mais dans la découverte et la protection des conditions de vie.

 

Michel Salmeron nous explique que cette plante est arrivée là toute seule et que la chaleur du mur l'aide à se développer. Elle est en pleine forme, sa pruine en témoigne, c'est un semis spontané. (Macleaya cordata)

Visiter un tel jardin nécessite un apprentissage une démarche, une rencontre, un dialogue avec le jardinier. Le novice a tout fait de juger par la négative cette friche apparente, cet amas de végétaux désordonné, ces mauvaises herbes et regrette peut-être un gazon tondu régulièrement, un jardin aux mêmes couleurs, aux mêmes saveurs tout au long de l'année. Mais ici le jardin est différent, il vit au rythme des saisons, au rythme des animaux et l'on respecte le cycle du végétal en respectant l'animal on respecte la biodiversité essentielle.

Le jardin de l’ENS comptait 216 espèces au 31 décembre 2000, elles représentent 40 % du fond patrimonial initial. Depuis, de nouvelles espèces sont arrivées spontanément et ont été introduites par la main de l’homme, telles des plantes aquatiques qui enrichissent une mare creusée en février 2007. 569 espèces sont aujourd’hui présentes. Une base de données est tenue à jour par l’équipe des jardiniers, elle figurait dans l’ancien site Internet de l’ENS mais la refonte du site l’a malheureusement fait disparaître. Souhaitons son retour.

 

La prairie n'est pas entièrement fauchée, ce qui permet le développement de fleurs ou de vivaces.

 

La gestion différenciée s’appuie sur une démarche qualité. Les traitements chimiques et les intrants sont proscrits. Le compost est fabriqué sur place grâce aux feuilles mortes, hampes sèches, tontes et broyats de ligneux qui se décomposent au pied des arbustes. Les jardiniers procèdent aux semis (malgré le déménagement de leur serre) ou boutures mais laissent faire la nature et les semis spontanés, ils repèrent les jeunes plantules et les préservent pour la saison suivante. Les allées sont désherbées manuellement, d’autres voudraient les goudronner afin de circuler en voiture aisément dans le jardin…

 

Le catalpa et ses immenses feuilles.

 

Un jardin modèle ? Un jardin à préserver à tout prix :

 

Ainsi ce jardin est un modèle du genre, modèle de gestion raisonnée, modèle de traitement des surfaces et des volumes, modèle du rapport à la nature. L’apport de Michel Salmeron et de son équipe est capital, le message de Gilles Clément et ses théories ont été pleinement assimilés et servent de modèle aux équipes de professionnels du jardin qui visitent désormais ce jardin référence. Espérons que ce lieu soit reconnu à sa juste valeur et que le « Juste Jardin »  soit préservé de nouvelles amputations ou de nouvelles décisions budgétaires drastiques qui compromettraient son avenir.

Quelle voie choisir pour l'avenir de ce jardin ? la voie juste semble la plus raisonnable.

 

 

Sommaire

Le Jardin de l’École (Olivier Faron)

Les jardiniers de l’anthropocène (Gilles Clément)

 

1. Le jardin comme source de vies

Les jardiniers de l’esprit

Les jardiniers à l’ouvrage

Germination / éclosion

Mixité, hybridation, essaimage et (trans)plantation

Un jardin pour quoi faire ? Enseigner au jardin au siècle dernier

Le jardin de l’ENS selon Gilles Clément.

 

2. Le jardin comme une symphonie

« Nouveau Monde » : du cloaque au jardin

Allegro vivace : le jardin en mouvement

Le juste métier de jardinier

Les justes principes

Plan du jardin

Quelques notes sur le jardin

Partition et répertoire

Les enfants terribles

Le club ENgraineS

« La symphonie pastorale »

L’harmonie des paysages

La polyphonie des sens

Avant le lever de rideau.…

Un jardin exemplaire

 

La Molène laissée là volontairement par les jardiniers comme un signe du mouvement et de la dynamique végétale.

3. Le jardin comme un théâtre

Jouer juste. Stars et seconds rôles

Le jardin en représentation. Double jeu

Mise en images

Mise en scène

Mise en musique

Des vagabondes au jardin planétaire

Et le « juste jardin » essaima…

 

Éloges et commentaires

Juste un dernier mot…

Dans l'allée désherbée à la main et ratissée, la jardinière a laissé volontairement la future molène pour l'an prochain. Un signe de la confiance en l'avenir de ce jardin ?

 

Bibliographie

Remerciements

En savoir plus :

www.ens-lyon.fr

Juin 2012 • Hors collection • 240 pages • ISBN 978-2-84788-364-0 • 21 x 27 • 28 euros ENS ÉDITIONS École normale supérieure de Lyon

15 parvis René Descartes Bâtiment Ferdinand Buisson

BP 7000 69342 Lyon cedex 07

Tous nos ouvrages sont disponibles en librairie

Commande en ligne au Comptoir des presses d’université :

www.lcdpu.fr

Diffusion | distribution : CID cid@msh-paris.fr


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images

Trending Articles





Latest Images